La classe moyenne n’existe pas.
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Une imposture majeure s’est enracinée dans nos consciences. Depuis près d’un siècle, elle a été répétée, installée jusqu’à devenir omniprésente. Pas un discours sur l’avenir du pays, pas une décision politique majeure ne la mentionne : la classe moyenne. La majeure partie des Français feraient ainsi partie de la classe moyenne, ou « des classes moyennes » comme certains l’appellent prudemment – mais tout aussi hypocritement. Répétons-le : la classe moyenne n’existe pas. Aucun de nos lecteurs n’en fait partie. Cette illusion n’est pas qu’une idée montée de toutes pièces ; elle est aussi un étouffement de la vérité, à l’origine des profonds tourments que connaît aujourd’hui le peuple de France. Maintenu dans la tromperie, écarté de l’évidence, il en est devenu faible et incapable. Ce n’est pas exagéré de désigner, ici, le mensonge du siècle. Le temps est venu de le démasquer méthodiquement pour révéler ce qu’il cache.
Soyons clairs : les classes sociales existent. Elles sont le propre de la civilisation humaine. Que nous en ayons connaissance ou non, chacun d’entre nous appartient à une classe. Notre classe sociale est la principale matrice de nos comportements, de nos rapports aux autres, de notre vie. Connaître sa classe sociale, c’est se connaître soi-même. Plusieurs définitions ont été données aux classes sociales ; généralement elles sont fausses, notamment pour amener à considérer l’existence d’une classe moyenne. Le « niveau de vie » est l’exemple parfait de la considération simpliste. Le revenu perçu chaque mois et ce qu’il reste sur le compte sont certes fondamentaux pour ce qu’on appelle barbarement le « pouvoir d’achat », c’est-à-dire la capacité à vivre plus ou moins dignement et confortablement. Mais jamais une classe sociale n’a été déterminée par un spectre de lignes comptables. Seraient-ce les habitudes culturelles ? L’éducation reçue, les centres d’intérêts, les gestes du quotidien, les lieux et les individus fréquentés sont en effet déterminants, mais ne sont pas la clé à cette question. La sociologie est une conséquence et non une cause. Les habitudes de vie résultent d’une appartenance de classe, elles ne font pas la classe sociale. La clé est économique sans être comptable. Elle réside dans la nature des rapports de production de chaque individu avec la société. Pour la comprendre vraiment, nous devons nous intéresser à la formation des civilisations, et ainsi cerner leurs fonctionnements.
Production et classes sociales
Toutes les richesses qui nous entourent, bâtiments, nourriture, vêtements, machines, art, information résultent de la production. C’est par la production que l’Homme s’est extirpé du règne animal pour devenir un être supérieur. Des premières répartitions instinctives du travail entre les hommes et les femmes, naquirent de nouveaux groupes. L’angoisse due aux mystères de la nature – la mort, la maladie, les catastrophes naturelles – fut apaisée avec les premiers gourous. Pour commander les troupes de chasseurs, il fallait des chefs. Ainsi se formèrent les premières classes sociales, en réponse aux besoins collectifs. Les classes sociales se forment donc par la production, et par rapport à elle. C’est parce qu’ils occupent une place précise et commune dans la production globale que des individus forment, consciemment ou inconsciemment, une classe sociale. Et c’est par la division du travail, par l’articulation de la société en classes sociales, que l’Homme fut en capacité d’accroître considérablement sa production.
Entre le dixième et le quatrième millénaire avant notre ère, apparurent successivement l’agriculture et l’élevage, la céramique et la métallurgie, l’écriture et la comptabilité, la géométrie et l’architecture, les villes et les nations. Les gourous aux nombreux fidèles devinrent de puissants patriarches ; les chefs aux nombreuses victoires devinrent des empereurs. Pour gouverner ils s’appuyaient sur des savants et des soldats, qui formaient souvent les cercles les plus proches du pouvoir, suivis des artisans. Les paysans, par situation géographique autant que sociale, en étaient les plus éloignés. Des formes variées d’organisation de la société émergèrent depuis. Certaines représentèrent un progrès incomparable à leur époque, correspondant toujours à l’essor de la production. Ainsi apparut en Grèce antique la démocratie, une forme de gouvernance jamais vue jusqu’alors ; néanmoins, la citoyenneté y étant réservée aux hommes athéniens propriétaires d’esclaves, bien des observateurs tendent à oublier que cette démocratie n’avait cours qu’au sein de la classe supérieure uniquement, et non dans la société toute entière.
Trois enseignements fondamentaux sont à retenir de la formation des civilisations. Premièrement, toute civilisation implique une organisation – un régime – avant tout économique, car répondant aux besoins de production de la communauté. L’aspect politique, qui prît rapidement des formes diverses, ne fait que se superposer au régime économique. Deuxièmement, tout régime est composé d’une classe dominante et de classes dominées – termes à considérer au-delà de tout jugement moral. La classe dominante gouverne, prend les grandes décisions impliquant la nation et son destin. Les classes dominées, ou laborieuses, œuvrent à la production. Par leur travail, qui prend des formes distinctes selon la classe sociale et son rôle, elles permettent l’enrichissement de la nation. Chaque classe existe parce qu’elle sert au maintien et au développement de la société, y compris la classe dominante. Celle-ci apparaît pour répondre à un besoin de nouvelle structure sociale, à une époque donnée où elle est l’expression même du progrès. Mais l’extension ininterrompue et considérable de la production va bientôt créer de nouvelles exigences : tel est le troisième enseignement de l’Histoire des sociétés humaines. Dès lors se crée un décalage entre l’intérêt de la population dans son ensemble, et l’intérêt particulier de la classe dominante, qui devient à l’époque suivante le premier ennemi du progrès. Cette dernière peut alors accepter sa situation de désuétude et participer à la transition vers une nouvelle structure sociale ; mais le plus souvent elle cherchera, par tous les moyens à sa disposition, à conserver et maintenir son pouvoir. Le progrès humain, conforté par la science et l’éducation, ne souffrant d’aucune limite connue, la classe dominante se voit renversée au cours d’une révolution à laquelle prennent part, à des degrés divers, toutes les classes dominées.
Au fil de l’Histoire, l’accroissement de la production permit la constitution de régimes plus efficaces, illustrés par des Etats puissants. Tel est le cas de la France de l’ancien régime, où le pouvoir se partage entre la noblesse, classe dominante militaire propriétaire des terres, et le clergé, classe dominante religieuse. Les serfs, largement majoritaires dans la population, forment une classe de paysans attachés à la terre qu’ils cultivent – ils ne peuvent pas la quitter, n’obtiennent de leurs récoltes que de maigres parts et ont en cela une condition sociale proche de l’esclavage. Enfin, les bourgeois sont une classe de marchands, héritière des premiers artisans. Ils vivent dans les villes et sont propriétaires de leurs demeures, de leurs outils de travail et d’un pactole – un capital – qui leur permet d’investir, d’acheter en gros pour vendre en détail ou de produire eux-mêmes des biens de consommation. La découverte des Amériques et la première « mondialisation » qui en résulta, avec le commerce triangulaire, ouvrirent la voie à une ère de grande production. Principale architecte de ces nouveaux échanges et principale bénéficiaire de ces nouvelles richesses, la classe bourgeoise gagna progressivement en puissance. A la fin du 17ème siècle, Louis XIV tenta bien de répondre par la monarchie absolue, muselant toutes les classes sociales à l’avantage du roi ; mais cette chape de plomb ne put durer que deux générations. La révolution de 1789 marqua la destitution du pouvoir féodal, au profit de la classe bourgeoise. Comme toutes les véritables révolutions que l’Homme a connues, il en résulta une nouvelle organisation de la production, capable de répondre aux exigences nouvelles de l’époque.
Si le 19ème siècle connut une succession de régimes politiques, donnant une impression de pagaille à la tête de la France, il ne vit en réalité le triomphe que d’un régime économique : le capitalisme. Avec lui s’imposait une forme de pouvoir totalement inédite. L’ancien pouvoir, celui de la noblesse, était caractérisé par la propriété de terres, les conquêtes militaires, l’assentiment de Dieu, la dynastie formelle à la tête des Etats. Le nouveau pouvoir, celui de la bourgeoisie, est caractérisé par la propriété du capital, les conquêtes commerciales, l’affranchissement de l’assentiment divin et le détachement de la conduite des Etats. Le dernier point est crucial car il est sans précédent. Pour la première fois dans l’histoire des civilisations humaines, une société présente une classe dominante qui n’exerce pas directement la gouvernance de l’Etat, laissée à des délégués. Inversement, pour la première fois l’Etat n’est pas le principal décideur de la production nationale ; il laisse à la bourgeoisie, propriétaire des « acteurs du marché », les grandes décisions économiques – dans quel secteur investir, quel secteur abandonner, ou vers quelle quantité de production tendre. Constitué par et pour la bourgeoisie, l’Etat veille simplement au maintien d’un cadre de production, garantissant la suprématie des propriétaires de capitaux. Dès la révolution française, les interdits du clergé et la lourde réglementation féodale sont autant de verrous qui sautèrent. L’augmentation de la production, notamment de la production scientifique, fut plus rapide que jamais et permit la révolution industrielle. Le commerce triangulaire tournait à plein. L’accélération des échanges, la multiplication des facteurs confortèrent davantage la domination de la classe bourgeoise.
A priori, le pouvoir du capital semble moins puissant que celui de la noblesse. En réalité, il l’est beaucoup plus. La bourgeoisie ne possède pas formellement les terres, dont la propriété est divisée en de nombreuses parcelles ; mais elle en détient finalement le plus grand nombre, et surtout les plus intéressantes, car son capital grandissant lui permet de les acquérir sans difficulté, n’hésitant pas à faire monter les enchères. Les propriétaires de capitaux n’écrivent et ne votent pas les lois ; mais ils les décident malgré tout, disposant d’une influence majeure sur les dirigeants de l’Etat. Si la classe dominante est contrariée par ces derniers, une lettre ou une visite, un pot-de-vin ou une menace de ruine suffisent à obtenir gain de cause – ce qui n’est généralement pas nécessaire, tant le pouvoir politique et son apprentissage sont assujettis en tous points aux intérêts de la bourgeoisie. Le roi pouvait certes faire interdire formellement toute critique, toute caricature à son encontre ; mais si d’aventure un individu ou un groupe s’en prend à la bourgeoisie, celle-ci possède les sociétés éditrices d’ouvrages et de journaux, et bientôt de tous les autres médias, qui travailleront jour après jour à décrédibiliser l’individu ou le groupe auprès de la nation. Enfin, si les capitalistes aiment à briller dans les cercles sociaux élitistes, ils se montrent rarement au grand jour. Un bourgeois ne rend de compte à personne, si ce n’est à ses partenaires en affaires. C’est pour lui un avantage décisif comparé au vieux souverain qui était scruté par l’Eglise et par son peuple.
La dernière étape avant d’entrer dans le vif du sujet est un éclaircissement de l’économie capitaliste. Le centre névralgique de la production contemporaine est le capital. Le capital est un amas de richesses, matérialisé sous forme monétaire mais surtout sous forme de moyens de production (terres, bâtiments, machines, matières premières). La production, à l’origine de toute création de richesse, nécessite à la fois des ressources et du travail humain. Par son capital, la bourgeoisie dispose des ressources (les moyens de production) et de la capacité d’acheter du travail humain, ou plus précisément de la force de travail. Cela lui confère un pouvoir total pour décider de ce qui est produit, en quelle quantité, par quels moyens et à quelle fin. Second point important : toutes les richesses produites au sein d’une entreprise reviennent intégralement à son propriétaire. Les salaires, le prix d’achat de la force de travail ne sont donc pas une part des richesses produites dans l’entreprise, mais une part du capital antérieur du propriétaire bourgeois. Les richesses produites dans l’entreprise viennent accroître son capital en des proportions bien plus larges que ce qu’il a investi. Un grand capital amène ainsi à un capital gigantesque. De décennie en décennie, les salaires des employés augmentent, mais à un rythme largement inférieur à celui de l’augmentation de leur productivité, c’est-à-dire de la quantité de richesses qu’ils créent en une heure par leur travail. A mesure que la production s’accélère, s’intensifie, la nation entière s’enrichit, néanmoins elle s’enrichit infiniment moins que la bourgeoisie.
Accédons finalement au cœur de notre problématique, la structure sociale sous le régime capitaliste contemporain. Ce que nous avons désigné par commodité la bourgeoisie comme classe dominante n’est pas strictement exact. Néanmoins, ceux qui espèrent un abandon de notre part d’un terme jugé archaïque seront déçus, car nous nous en tenons aux faits et à l’étude objective de la réalité – et il est clair que la bourgeoisie existe dans la France du 21ème siècle. La bourgeoisie se distingue par la propriété de capital, de moyens de production et il importe de comprendre qu’elle recouvre des réalités diverses. Les artisans, les épiciers, les avocats, les médecins composent une petite bourgeoisie, disposant d’un petit capital leur permettant d’être « à leur compte » et parfois d’employer quelques salariés. A eux peuvent s’ajouter une moyenne bourgeoisie, propriétaires de moyennes entreprises allant de quelques salariés à quelques centaines, et propriétaires fonciers détenant quelques biens immobiliers. Ils sont souvent « maîtres chez eux » dans les villes de moyenne importance, possédant à quelques-uns le tissu économique local. Dans leur ensemble, ils sont davantage assimilables à la petite bourgeoisie, dans leurs rapports de production.
La véritable classe dominante est en fait la grande bourgeoisie. Ce sont les propriétaires d’un grand capital qui détiennent réellement le pouvoir économique dans et à travers les nations. Les millionnaires du 19ème siècle devinrent, tout au long du 20ème siècle, des milliardaires. En 2014 la France comptait 67 milliardaires ; la même année, le monde comptait 80 personnes qui détiennent autant de richesses que la moitié de la population planétaire – soit plus de 3,6 milliards d’individus. A l’échelle de notre pays, tout au plus 300 familles se partagent l’essentiel des banques et compagnies d’assurance, des grandes entreprises de production agricole et industrielle, des grandes chaînes de distribution et des grands opérateurs de communication et de médias. Contrairement à la petite et, parfois, à la moyenne bourgeoisie, la grande bourgeoisie ne travaille pas. Elle dispose de travailleurs domestiques, de comptables et d’économistes pour faire fructifier sa fortune, de directeurs pour faire tourner ses entreprises et se dispense de tout effort. Elle gouverne, c’est-à-dire qu’elle donne des ordres à ses subordonnés, et que son apport à la société se limite à la participation à de fastueux repas durant lesquels elle va nouer des partenariats commerciaux. Au sein de la bourgeoisie et de la grande bourgeoisie, la concurrence fait rage et il n’est pas rare de voir une famille connaître une ruine soudaine, tomber en disgrâce au profit d’une autre qui se repaît de ses richesses. Mais dans son rapport en tant que classe avec la société toute entière, avec la nation et la planète, la haute bourgeoisie fait preuve d’une solidarité de classe impeccable. Généralement, elle se coordonne pour se partager les richesses et faire fructifier son capital au maximum. La courtoisie règne le plus souvent dans les rapports d’une grande famille à une autre et les razzias entre capitalistes, bien que fréquentes, sont davantage l’exception plutôt que la règle.
La bourgeoisie est stratifiée entre deux classes distinctes – la petite bourgeoisie, qui travaille, et la grande bourgeoisie qui gouverne – et il en est de même pour le salariat. Par définition, les salariés sont ceux qui vendent leur force de travail à la bourgeoisie, car ils disposent de ressources trop maigres pour constituer un capital. En 2007, le salariat représentait 89,2% de la population active. Nous trouvons là aussi deux groupes distincts, entre les salariés qui dirigent et encadrent, et les salariés qui exécutent. Les premiers sont les cadres dirigeants des grandes entreprises, les directeurs d’institutions publiques et gouvernementales, les fonctionnaires d’Etat, la catégorie supérieure des commerciaux, des comptables, publicitaires et autres traders. Ils exercent la direction exécutive des entités privées et publiques, et ils forment la classe intermédiaire. Cette dernière s’étend « en bas » jusqu’aux simples cadres, qui organisent la production dans leurs entreprises en veillant à ce que chaque employé assure son travail selon les directives ; et « en haut » jusqu’aux grands dirigeants de l’Etat et des multinationales. Cette « couche supérieure » de la classe intermédiaire est en contact direct avec la grande bourgeoisie, pour assurer la bonne conduite de ses affaires. Elle perçoit un salaire élevé, qui lui permet souvent de vivre dans un grand confort. Néanmoins, et bien qu’ils disposent d’un pouvoir de décision certain – dans le périmètre délimité par la grande bourgeoisie – ses membres ne sont pas eux-mêmes détenteurs d’un capital, qui signifie propriété de moyens de production (terres, immeubles, machines, employés), et sont donc bien à distinguer de la classe dominante.
La dernière classe est la plus éloignée du pouvoir et comprend la majorité écrasante de la population française. Elle est logiquement la plus stratifiée de toutes, et les vies qui la composent connaissent des réalités extrêmement variées. Mais elle partage un rapport spécifique à la production : des individus qui vendent leur force de travail moyennant un salaire, pour exécuter des tâches à un poste de travail spécifique, en dehors duquel ils n’ont aucune maîtrise sur le processus de production. Ils sont autant les ouvriers spécialisés, affectés à un poste n’exigeant aucune qualification, que les employés qualifiés. Cette classe rassemble autant les manufacturiers, les ouvriers agricoles, les petites mains de la restauration et de la distribution, les employés du marketing et des centres d’appel, les chauffeurs, les commerciaux, les techniciens, les ingénieurs, les infirmiers, les médecins des hôpitaux publics, les enseignants et les chercheurs scientifiques ; mais aussi les privés d’emploi, les travailleurs « au noir » et ceux qui font tourner les trafics en tous genres. Derrière ces conditions diverses se trouve un même rapport à la production, et une même classe : la classe ouvrière.
Bien sûr, l’affirmation de l’existence de la classe ouvrière peut faire sourire tant elle semble anachronique, tant le terme ouvrier est galvaudé, limité au secteur industriel et aux tâches les plus simplistes. Il faut l’entendre comme la classe qui œuvre à la richesse nationale. C’est la classe sociale, largement majoritaire dans la population, qui fournit le travail sans lequel la nation ne produirait aucune richesse. Ses membres n’en récoltent que de maigres parts, qu’une fraction des richesses antérieures tandis que les richesses nouvelles viennent grossir chaque jour le capital, dont elle est exclue. Un individu, une famille de la classe ouvrière peut bien sûr disposer d’une petite épargne, d’un certain confort de vie, d’un bon équipement domestique et même parfois d’une petite maison de campagne. Mais ce ne sont là que les miettes des richesses formidables de notre monde, comme les travailleurs du 19ème disposaient des miettes de richesses mille ou cent mille fois moindres à celles de notre époque. Ces miettes servent à subsister, c’est-à-dire à recouvrir la force de travail sans pouvoir pour autant sortir de sa condition sociale. Le niveau de vie s’est clairement amélioré pour la majeure partie de la classe ouvrière au fil du 20ème siècle, grâce au progrès technique. Des besoins nouveaux peuvent être satisfaits. Mais sa condition sociale n’a pas changé.
Pour résumer, il existe donc aujourd’hui et depuis un siècle quatre classes sociales : la grande bourgeoisie, qui exerce le pouvoir réel sur la production nationale en tant que classe dominante ; la petite bourgeoisie, assujettie à la grande tant par le marché sur lequel elle opère que par ses besoins de financements ; la classe intermédiaire, qui assure la direction des grandes entreprises et de l’Etat, ainsi que l’organisation de la production, pour le compte (direct ou indirect) de la grande bourgeoisie ; et enfin la classe ouvrière, largement majoritaire au sein du peuple français, qui fournit l’essentiel de l’effort national et qui produit l’immense majorité des richesses du pays.
Ce que cache le concept de classe moyenne
Inventé au milieu du 20ème siècle, le concept de la classe moyenne fut diffusé massivement – par l’éducation nationale, l’INSEE, les journalistes – et ancré dans les consciences de la classe ouvrière, poursuivant deux objectifs. D’abord, il s’agit de donner l’impression aux classes dominées qu’elles sont désormais au centre du jeu, au centre des décisions et de la répartition des richesses. L’imposture est favorisée par le progrès technique et son ressenti, avec l’apparition de nouvelles machines, de nouveaux objets qui viennent peupler presque simultanément tous les foyers – la voiture, le frigidaire, le micro-ondes, l’ordinateur, le smartphone. Elle n’en reste pas moins une illusion qui permet, en creux, la disparition progressive de la bourgeoisie de l’imaginaire collectif. Il n’y aurait plus ni classe dominante, ni classe dominée, mais un grand peuple dont les membres sont plus ou moins « aisés », « favorisés ». Non seulement nous serions tous les bénéficiaires des richesses actuelles et à venir, mais en plus cela voudrait dire que nous sommes « au bout de l’Histoire », c’est-à-dire au sein de la civilisation humaine la plus juste, progressiste et efficace que l’Homme est capable de bâtir. Evidemment, l’unique bénéficiaire de cette croyance est la classe dominante, la grande bourgeoisie qui a réussi le tour de force de dissimuler presque complètement son identité, alors même que jamais autant de richesses et de pouvoir n’ont été concentrés en si peu de mains dans l’histoire de l’humanité.
Le premier objectif de la notion de la classe moyenne est donc de dissimuler l’existence de la grande bourgeoisie ; le second, intimement lié, est de dissimuler l’existence de la classe ouvrière. Si la classe moyenne a été inventée au milieu du 20ème siècle, à l’aube des « Trente glorieuses » et dans une phase de progrès réel pour toute la nation, elle l’a aussi été à une époque où la classe ouvrière était à l’apogée de sa puissance. Se revendiquant « par et pour la classe ouvrière », le parti communiste français était dans les années 1940-1950 le premier parti de France. Il adoptait alors une ligne dure, visant au renversement de la grande bourgeoisie et à l’instauration d’un nouveau régime économique sans capital, où les terres et les grandes entreprises seraient toutes de propriété publique, et où la production serait planifiée entre tous. Au-delà de la faisabilité d’un tel système et de la réalité sociale en URSS, la perspective d’une révolution ouvrière en France faisait trembler la grande bourgeoisie. Prêtant le flanc à des accusations, souvent fondées, de collaboration avec l’envahisseur hitlérien, elle a dut céder à la Libération certains de ses joyaux – par la nationalisation de la Banque de France et des quatre plus grandes banques françaises, des onze plus grandes compagnies d’assurance, des compagnies de gaz et d’électricité, des mines, des transports aériens et du fabricant automobile Renault. Elle dut également, de 1945 aux années 1960, consentir à une forte augmentation des salaires – donc à la réduction de son capital – face à une série de grèves sectorielles et de mobilisations générales animées par une CGT qui rassemblait alors, à elle seule, un salarié sur trois sur une ligne de conflit de classe. Ces conditions permirent une amélioration sensible du niveau de vie de la classe ouvrière ; les concessions de la bourgeoisie finirent par éloigner le risque d’une révolution. Pour l’écarter pleinement, la grande bourgeoisie inventa et diffusa par tous ses canaux – lobbying, manuels scolaires, médias, ouvrages, spécialistes – le concept de classe moyenne. Ainsi la classe ouvrière a retenu l’idée, fallacieuse, que son ascension n’est pas due à son propre apport de richesses dans la société, ni à son combat en tant que classe, mais à un progrès de civilisation tout entier. Elle a également cru, par la même occasion, que son ascension ne se limitait pas à une hausse du niveau de vie, mais à un changement de condition sociale radical, transformant ses rapports de production. Alors que les Français des années 1960 se définissaient « travailleurs », ceux des années 2010 se définissent avant tout « consommateurs ». Les rapports de production ont été effacés de l’imaginaire collectif.
Lentement mais sûrement, le concept s’est installé. Au fil des décennies, puis des générations, il s’est profondément ancré dans nos consciences. Toutes les enquêtes d’opinion récentes démontrent, à la question « à quelle classe appartenez-vous », la prépondérance de plus en plus large de la réponse « classe moyenne ». La classe ouvrière et la grande bourgeoisie ont disparu de l’imaginaire collectif. A quelques rares exceptions, plus personne ne les mentionne – pas même la CGT et le PCF. La classe moyenne supplanta toutes les autres, et lorsqu’on s’aperçut qu’elle ne correspondait pas à la réalité, on inventa à partir de la classe moyenne de nouveaux concepts aussi tordus qu’erronés. Ainsi il y aurait une « classe moyenne supérieure » pour les métiers intellectuels, et une « classe moyenne inférieure » pour les métiers un peu moins intellectuels. En dessous, il existerait une classe populaire, ou plus souvent « des classes populaires », étant donné que les privés d’emploi et les pauvres rentraient mal dans la case « moyenne ». Transversalement existent des « professions intermédiaires », plus ou moins entre les classes moyennes, et à cheval entre le salariat et les indépendants. Tout ceci ne présente aucun sérieux scientifique ; au mieux peut-il être justifié par un attachement sans faille à la première définition des classes sociales que nous avons vue, la plus simpliste, celle du niveau de vie. Mais tout ce cirque sociologique présente le mérite d’avoir profondément désintéressé le peuple de France de la question des classes. Il peut ainsi se focaliser sur des considérations plus importantes, telles que la religion et la couleur de peau trop foncée du voisin. Pourtant, la condition sociale de la majorité du peuple n’a pas changé. En ce sens, la classe moyenne a commencé en étant « la classe ouvrière plus le frigo », elle est désormais « la classe ouvrière plus le smartphone ». Elle demeure la plus grande escroquerie de notre temps.
Tout ceci dure, mais tout ceci se terminera. Au prix de lourdes souffrances, de déchirures, de guerres intestines, la classe ouvrière reprendra conscience d’elle-même. C’est l’enseignement à tirer de l’étude de la civilisation humaine : l’accroissement de la production, la production scientifique, la transmission des connaissances finissent par briser toutes les chapes de plomb inventées par les classes dominantes soucieuses de maintenir leur pouvoir. En 1789, la « monarchie absolue » et le « féodalisme » étaient des termes inexistants ; mais le décalage de l’ancien régime avec une production en plein essor poussa au renversement de la noblesse, auquel prirent part toutes les classes dominées. Aujourd’hui, si l’injustice ressentie est grande, mettre les noms exacts sur la réalité vécue favorisera la prise de conscience et le bousculement de l’ordre établi, vers une civilisation plus conforme aux exigences contemporaines. Le peuple de France se relèvera des mensonges qu’on lui a assénés depuis un siècle, et se tiendra à nouveau debout. L’histoire ne dit pas la forme que prendra son organisation, ni ce dont il sera alors capable ; mais une chose est sûre, l’Histoire n’est pas finie.
Benoit Delrue.
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