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Le 30 septembre 1965

Publié le par frico-racing

50 ans de silence

Cette date ne vous dit sans doute rien. C’était un jeudi. Un jeudi noir ou commença, en Indonésie, un des plus grand massacre de masse du XXe siècle. De 1 à 3 millions de personnes exécutées. Sans compter les emprisonnés par millions, les déportées, les torturées et les viols de masse ainsi que tout ceux qui jusqu’à maintenant encore seront privés de leurs droits.

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Qui ici en France  en a entendu parler ? Quels médias en parlent ? Personne. Car oui ce massacre dont on ne parle jamais en France ni dans aucun pays occidental, c’est le massacre de 1 à 3 millions de communistes ou supposés tels en Indonésie à l’automne 1965, et ce avec l’assentiment et le soutien de l’Ouest. Pas une ligne dans nos programmes scolaires qui s’intéressent pourtant au 20e siècle, comme siècle des totalitarismes. Pas un mot sur ce quasi génocide et la dictature sanglante de l’Ordre Nouveau qui a suivie.

Dans les années 1960, l’Indonésie de Soekarno après avoir été le pays chef de file des non-alignés (organisateur de la conférence de Bandung) se rapproche du bloc socialiste. Le parti communiste indonésien (PKI) est alors le troisième parti communiste du monde. Fort de plusieurs millions d’adhérents et sympathisants, participant direct au combat pour l’indépendance du pays, le PKI est alors un des piliers de la République d’Indonésie dirigée par Soekarno. PNI et PKI constitue une force puissante lui permettant de contrebalancer celles des réactionnaires (islam politique ainsi qu’une bonne partie de l’armée) et de s’affranchir ainsi de plus en plus à la prédation des capitalistes occidentaux.

Le camp de l’Ouest subi à ce moment là défaites sur défaites. Notamment au Vietnam ou l’armée étasunienne s’enlise, écrasant les Vietnamiens sous des tonnes de napalm et d’agent orange. Dès 1963, inquiète de la force croissante du PKI, de l’évolution vers la gauche du PNI (parti de Soekarno) et du rapprochement vers le camp socialiste de l’Indonésie, Washington commence à constituer des listes de communistes indonésiens via son ambassade de Jakarta. (La tradition de fichage révélée à nouveau par Snowden n’est donc pas nouvelle).

Dans la nuit du 30 septembre 1965, un curieux mouvement dit du 30 septembre tente un coup d’État. Les événements demeurent assez mal connus, 40 ans de dictature ayant forgé une version officielle très éloignée des faits. Ce coup d’état militaire conduit par un colonel de la garde présidentielle prétend contrecarrer la confiscation d’un « comité de généraux » et rétablir le pouvoir de Soekarno. Une partie du haut commandement de l’armée est exécutée (6 généraux) dans la nuit du 30 septembre.

Soekarno est conduit en fin de nuit par la garde présidentielle a à la base aérienne d’Halim, base de l’armée de l’air réputée proche du PKI. Soekarno déclare prendre personnellement le contrôle de l’armée et nomme un proche le général Yani Chef d’État major.

Aidit leader du PKI y est également amené par les conjurés au prétexte qu’il est menacé par un complot de la CIA. Aidit réaffirme alors son soutien à Soekarno. Dès le 1er octobre, Aidit rejoint Jogjakarta (centre est du pays) où il participe à désamorcer le coup d’État. Dans la nuit du 1er au 2 octobre, le principal quotidien du PKI condamne fermement toute tentative de coup d’État dans un éditorial reflétant le manifeste manque d’information dont il dispose : « le déclenchement d’un coup d’état est un acte condamnable et contre révolutionnaire »

Dans la nuit du 30, le général Suharto, responsable de la force de réserve stratégique de l’armée de terre (réputée proche des États-Unis, ces derniers ayant participé avec la Grande Bretagne à la formation et l’équipement de l’armée de terre violemment anti communiste, elle l’avait prouvé en 1948 lors d’un premier massacre de communistes à Madium) singulièrement laissé à l’écart de la purge visant la tête de l’armée, prend le contrôle des forces armées. Et ce d’autant plus facilement, que le 5 octobre doit se tenir à Jakarta la journée des forces armées, et que donc l’ensemble des Divisions des forces armées son représentées à Jakarta par un bataillon.

L’armée de terre sous les ordres de Suharto place Soekarno « en sécurité » à Bogor le 1er octobre et prend sans combat la base d’Halim. Il ne reviendra à Jakarta que le 9 pour trouver un général Suharto fermement installé et tenant déjà les rennes du pouvoir. L’armée exige l’interdiction du PKI ce que Soekarno refuse, affirmant que leur implication n’est pas établie. L’armée neutralise et isole le président, le laissant parler sans écouter ses ordres, le réduisant à l’impuissance. Afin que le transfert de pouvoir se fasse légalement l’armée obtient le 14 octobre, que Suharto soit nommé chef d’État major de l’armée à la place de Yani

Dès le 3 octobre, l’armée lance une violente campagne anti-communiste, attribuant, malgré les évidences, la responsabilité du coup d’État au PKI. Le 5/10 la chasse aux communistes commence à Jakarta, alors que ce même jour le comité central du PKI réaffirme son soutien à Soekarno et que le mouvement du 30 septembre est une affaire intérieure à l’armée.

Les listes de communistes établies par l’ambassade étasunienne sont transmises à l’armée. Les États-Unis, notamment, soutiennent alors l’armée dans ses massacres par la fourniture d’armes et d’équipements de communication ainsi qu’un soutien financier. Selon des révélations du Washington Post de 1990, les autorités étasuniennes suivent méthodiquement les exécutions. En 1966, l’ambassadeur des États-Unis à Jakarta a rassuré Suharto que « les États-Unis voient plutôt d’un bon œil et admirent ce que l’armée est en train de faire. » L’ambassadeur britannique, Sir Andrew Gilchrist, a rapporté au Ministère des Affaires Etrangères britanniques : « Je n’a jamais caché que je pense que quelques pelotons d’exécution en Indonésie seraient un préliminaire indispensable à tout changement réel. ». Ou encore toujours en 1966 M Stewart ministre britannique des affaires étrangères louant « la politique économique raisonnable » de Suharto.

Durant la fin de l’année 1965 et les premiers mois de l’année 1966, les communistes et assimilés sont méthodiquement éliminés, des millions de personnes soupçonnées d’être communistes sont arrêtés, déportées, violés et torturés. Ceux qui survivent à la détention et sont libérés restent fichés comme prisonniers politiques , privés à vie de leur droits. Le nombre de tués est si élevé que certaines rivières déversent pendant des jours entiers les milliers de corps qui y ont été jetés.

La chape de plomb de la dictature de Suharto, l’Ordre Nouveau, s’abat sur l’Indonésie. L’histoire des événements d’octobre est réécrite pour justifier le massacre des communistes, et une chasse aux forces progressistes qui ne cessera pas durant les 30 ans de pouvoirs de Suharto. A partir des années 1980, tous les ans, un film de propagande est projeté à tous les enfants dans les écoles, à la télévision, bourrage de crâne attribuant la responsabilité du coup d’état aux communistes et les accusant d’avoir commis les pires horreurs et d’instiller ainsi profondément l’anti-communisme dans les esprits.

Ne nous trompons pas, ce massacre génocidaire, cet holocauste des communistes et plus largement la répression de toute forces progressiste doivent être considérés comme le vrai visage de ce qu’est le capitalisme. Nous avons vu le soutien sans faille apporté par les puissances occidentales, ces puissances dites du monde libre trépignant de joie devant un massacre qu’elles appuient. Le régime de Suharto, les massacres, la répression sont directement l’enfant du capitalisme. Face à une Indonésie fermant de plus ses portes au capitalisme, les forces capitalistes ont agi.

Dès novembre 1967 d’ailleurs, les pays occidentaux récoltent les fruits juteux du régime qu’ils viennent de contribuer à installer. Ce pays extrêmement riche en ressources naturelles est mis en coupe réglée lors d’une conférence à Genève. General Motors, Imperial Chemical Industries, British Leyland, British-American Tobacco, American Express, Siemens, Goodyear, the International Paper Corporation, US Steel… sont représentées. Il faut dire que l’Indonésie offre désormais outre ses ressources, une main d’œuvre taillable à merci puisque privée de tous moyens de contestation par une répression féroce. Dès le coup d’État une loi est votée dispensant pendant 5 ans les entreprises bénéficiaires de ce pillage organisé de tous impôts. L’économie du pays est directement mise dans les mains des Chicago Boys, à travers le FMI et à la Banque Mondiale et son Inter-Governmental Group on Indonesia (IGGI), dont les principaux membres étaient les États-Unis, le Canada, l’Europe et l’Australie. Un décret interdit le communisme. Et cela fait des décennies qu’écrire les simples mots « classe ouvrière » peut conduire à 12 ans de prisons pour « propagande communiste ».

La classe capitaliste occidentale a su d’ailleurs défendre avec constance la dictature de l’Ordre Nouveau, telle une des ses portes paroles les plus émérites Margaret Thatcher déclarant au sujet de Suharto : « One of our very best and most valuable friends (Un de nos tous meilleurs et valeureux amis) »

Avec la crise des pays asiatiques, le pouvoir de Suharto tombe en 1998. Il quitte le pouvoir après s’être considérablement enrichi. Il ne sera jamais jugé. Le pouvoir qui lui succède ne reconnaît toujours pas les massacres. Si une commission d’enquête a été constituée, elle est suspendue par la cour suprême, les forces du régime de Suharto continuant à tenir une place prééminente au pouvoir. Aucun des crimes de cette époque ni des crimes commis durant la période de l’Ordre Nouveau n’ont été punis. Pire, la célébration de ces massacres n’a pas cessé. Les forces réactionnaires (islamistes et militaires) continuent à peser de tout leurs poids pour continuer la répression anticommuniste.

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- 2CR : link


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