"Salaires, Prix , Profits*"...
Ce dont souffre l’économie française, ce n’est certainement pas du coût de revient du travail, (comme on voudrait nous le faire accroire avec "la dette" et "la derniére crise") parce que celui-ci a diminué en pourcentage du PIB depuis 1983 qu'il est inférieur à celui de l’Allemagne, du Royaume-Uni ou du Danemark par exemple, mais de l’augmentation du taux de profit des entreprises qui a fortement progressé dans la même période.
"c'est la crise !"
Ils accumulent les profits, sont choyés par l’Etat et détruisent des emplois en France.
Au premier semestre 2010, ils ont engrangé 41,5 milliards d’euros de bénéfices, en hausse de 87% sur un an. Mieux encore, ils disposent dans leurs caisses d’un matelas de 146 milliards d’euros de cash, selon une étude publiée le 21 octobre par les Echos.
Mais l’économie française n’en profitera pas.
Selon l’enquête réalisée par Libération, les effectifs dans l’Hexagone des quarante groupes du CAC ont diminué de 39 400 personnes entre la fin 2004 et la fin 2009, soit une baisse de 2,5% sur cinq ans.
Le gouverne...ment !
-1800 milliards environ c’est la somme des richesses produites (valeur ajoutée brute) par le travail en 2009.
Les salaires (nets ou socialisés via les cotisations sociales) représentent 68% de ce gâteau.
En 1982, ce pourcentage s’établissait à 76%. Si cette situation s’était maintenue, 130 milliards supplémentaires seraient immédiatement disponibles pour les salaires et la protection sociale (il ne faut pas chercher plus loin la cause de l’augmentation des besoins de financement de nos retraites).
Cet accroissement des profits dans la valeur ajoutée s’explique essentiellement par le maintien du chômage de masse et la compression des salaires.
La part de richesses revenant aux actionnaires a littéralement explosé (5% des profits en 1985 / 25% en 2010, selon le rapport Cotis de l’INSEE).
Loin de remettre en cause cette évolution défavorable au monde du travail, la loi sur les retraites la conforte puisque 85% de l’effort de financement des retraites est demandé aux salariés.
D’ailleurs, les fonds d’investissements internationaux ne s’y trompent pas : ils achètent des titres des entreprises françaises car elles sont très rentables. Les investisseurs sont attirés par la «profitabilité» des entreprises françaises.
Et pourtant, les patrons et le gouvernement n’arrêtent pas de se lamenter sur l’absence de «compétitivité» des entreprises. Mais ce discours est frelaté, car ils ne prennent en compte que le coût du travail dans leurs comparaison...en oubliant les profits.
Or, les chiffres de l’INSEE sont imparables : de 1983 à 2006, la part des salaires directs et indirects (les cotisations sociales) dans la valeur ajoutée, a diminué de 9.3%, pendant que la part des profits financiers passait de 15 à 25%. De 1993 à 2009 les revenus financiers de grandes entreprises et des banques ont progressé de 143%.
Cette volonté de lier la compétitivité aux seuls coûts salariaux (directs et indirects), et d’ignorer la part grandissante des profits dans la valeur ajoutée des entreprises n’est pas innocente : elle vise à cacher l’enrichissement des actionnaires.
Si la compétitivité des entreprises s’est affaiblie, cela provient de l’augmentation aberrante des profits sur les 25 dernières années. Les conséquences en sont déplorables : augmentation des prix, baisse du pouvoir d’achat, déficits de l’assurance vieillesse et de l’assurance maladie, chômage massif etc.
1 - Explications
Tout se résume au graphique suivant :
-Toutes les informations ayant servi à l’établissement de ce graphique et des graphiques suivants sont disponibles sur le site web de l’INSEE ouvert au public.
-Les calculs faits pour établir les indices de variation ne dépassent pas le niveau de la règle de trois. 1er graphique : Évolution des parties du PIB en euros constants, indice base 100 en 1982.
-la courbe noire, très au dessus de la courbe du PIB, indique que les profits des entreprises ont explosé à la hausse.
-Toutes les autres courbes, Salaires bruts, cotisations sociales versées par l’employeur, travailleurs indépendants, sont en dessous de la courbe du PIB. cela signifie que ces catégories de revenus se sont relativement appauvries du fait de l’augmentation considérable des profits.
-Si les rapports de 1982 entre catégories de revenus avaient été maintenus, les profits en euros constants seraient inférieurs de près de 130 milliards d’euros.
En même temps, les parts de PIB reçues par les autres revenus, salaires, bénéficiaires d’indemnités de chômage et de pensions de retraite auraient été supérieures de près de 130 milliards d’euros, en euros 2006.
-Par conséquent, la cause principale du déficit de la sécurité sociale (assurance vieillesse, mais aussi assurance maladie), est la conséquence d’un transfert de près de 10 % du PIB soustrait aux revenus salariaux et aux cotisations sociales, et ajouté aux profits des entreprises.
-D’après les chiffres de l’INSEE, le taux de profit global des entreprises était en 1982 de 39,66%. Il est aujourd’hui de 59,09%.
-En passant, on observe que la propagande sarkosienne du «travailler plus plus gagner plus» n’a aucune chance de donner des résultats positifs pour les salariés :
Les mesures d’accompagnement telles que l’exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires ont pour but de maintenir le taux de profit des entreprises. Globalement, on ne peut donc rien espérer de l’augmentation des heures supplémentaires.
-D’ailleurs, tout le discours sur la compétitivité tombe complètement à plat à l’examen de ces graphiques : la compétitivité, ce n’est pas le coût de revient, c’est le prix de vente, qui inclut évidemment les profits. or, ce sont les profits qui ont augmenté de manière complètement irrationnelle et qui gênent le plus la «compétitivité».
Ce qui attire les financiers des fonds d’investissements étrangers qui, dit-on, possèdent déjà plus de 40% des entreprises du CAC 40, ce n’est pas la «compétitivité», c’est la profitabilité, c’est le taux de profit. Le graphique suivant est tiré des mêmes données chiffrées, et il représente la même évolution. Cependant, les indices de variation représentés ne concernent plus les montants en euros constants, mais les parts relatives en pourcentage des différents types de revenus.
2ème graphique : indice de variation des parts de PIB, base 100 en 1982.
On observe par exemple :
-Que la part des salaires dans le PIB baisse de près de 10% ;
-Que la part des cotisations sociales versées par les employeurs baisse de près de 10% ;
-Que la part des indépendants baisse de plus de 35% ;
-Que la part des profits augmente de plus de 35%.
Cette baisse de la part du PIB attribuée aux travailleurs indépendants ne signifie pas que le revenu individuel ait baissé : c’est la diminution sensible des effectifs qui en est la cause.
Les commerçants qui abandonnent face aux supermarchés, les artisans qui disparaissent happés par les sociétés de services, et surtout la disparition de nombreuses exploitation agricoles, le regroupement des exploitations capitalisées utilisant des ouvriers agricoles expliquent la baisse de la part de PIB qui revient aux indépendants dans les comptes de l’INSEE.
Bref, la prolétarisation annoncée se poursuit.
La conséquence est la suivante : non seulement la part des salaires et cotisations sociales versées par l’employeur diminue, mais le nombre de personnes qui en dépend augmente. L’appauvrissement relatif de chaque individu qui en découle est donc plus important que ne le montrent les données chiffrées.
Les graphiques suivants sont établis à partir des données chiffrées de l’INSEE sur la répartition du PIB pour les années 1982 et 2006. Ils permettent de visualiser la perte sensible des parts respectives des salaires et des cotisations sociales dans le PIB.
3ème et 4ème graphiques : répartition du PIB en 1982 et en 2006.
2 - Conclusions provisoires
Les graphiques le montrent à l’évidence, au delà des discours de Sarkosy-Fillon et du MEDEF, des réalités demeurent : les salariés, de plus en plus nombreux, reçoivent une part relativement plus faible du PIB, les retraités ont des pensions au pouvoir d’achat de plus en plus faibles, les chômeurs sont mal indemnisés et moins longtemps, les jeunes ont toujours autant de difficultés à trouver un premier emploi.
La cause? Le taux de profit global des entreprises a explosé.
Les salariés ne peuvent attendre aucune solution sérieuse des politiques actuelles qui confondent allègrement la profitabilité et la compétitivité : L’objectif patronal d’augmentation de la profitabilité suppose la baisse des coûts salariaux qui a comme effet induit la baisse du pouvoir d’achat et du niveau de la prévoyance, assurance maladie, assurance vieillesse et assurance chômage réunies.
Mais chacun comprend que l’amélioration de la compétitivité n’a rien à y voir, que celle-ci a été plombée par l’augmentation extravagante des profits.
Si, depuis 27 ans, l’appauvrissement relatif des salariés, des retraités et des chômeurs est incontestable comparé aux profits, on doit cependant poser très clairement l’hypothèse d’un appauvrissement absolu d’une part importante de ces catégories. En effet, l’indice INSEE pris en référence représente de plus en plus mal le pouvoir d’achat des milieux populaires.
Enfin, les classes dirigeantes qui n’ont actuellement pour objectif que le maintien ou l’augmentation du taux de profit ne peuvent compter sur l’inertie perpétuelle des salariés.
Le niveau actuel du taux de profit, la recherche de l’augmentation de la profitabilité des entreprises y compris au détriment de leur compétitivité, génère une exaspération collective à laquelle il faut apporter des réponses.
-D’abord, le SMIC : si le SMIC avait eu le même taux de variation que les profits, le SMIC serait aujourd’hui à plus de 2164 euros mensuels. C’est dire que les accusations de démagogie tombent complètement à plat.
3 - Annexe : évolution des ratios «excédent brut d’expoitation» sur rémunérations:
Comme le montre le graphique suivant, le ratio de l’«excédent brut d’exploitation» (les profits), sur les rémunérations (c’est-à-dire les salaires bruts plus les cotisations sociales versées par l’employeur), n’est pas une grandeur fixe mais variable.
Deux ratios sont représentés : le premier avec les impôts sur la production, le second sans ces impôts.
Ensuite, cela couvre intégralement la cinquième République sur un demi-siècle.
dernier graphique : indice de variation des parts de PIB, base 100 en 1982.
Que peut-on déduire de ce graphique ?
D’abord, qu’il y a eu deux véritables ruptures dans ce demi-siècle, en 1974 et en 1982 :
-La rupture de 1974 est bien celle dite du "premier choc pétrolier". Toute la période Giscardienne, avec ses deux premiers ministres successifs, Chirac et Barre, est caractérisée par une inflation record (supérieure à 10 % par an), et à la montée d'un chômage de masse. Pendant cette période, du fait de la forte mobilisation post-soixante-huitarde, et avec un taux de syndicalisation dépassant les 20%), les salariés résistent bien à la crise dans un premier temps.
-La rupture de 1982 est différente : l’inflation baisse, et le chômage continue d’augmenter. Mais la mobilisation est affaiblie, (état de grâce !) le pouvoir d’achat baisse (blocage des salaires).
Sur la période, le ratio excédent/rémunérations augmente de 10%, montrant que les véritables gagnants de cette période sont les actionnaires rentiers du capital des entreprises.
-Enfin, la période 1989-2006 marque une stabilisation sur les positions atteintes par le patronat en 1989.
Ensuite, ce graphique confirme que la politique choisie par les actionnaires et mise en oeuvre par les dirigeants d’entreprises a imposé une forte augmentation du taux de profit au détriment du pouvoir d’achat des salaires, direct et indirect (protection sociale)...de l’assurance maladie, des pensions et retraite, des indemnités de chômage.
On a donc ce paradoxe que la profitabilité des entreprises est excellente et attire les capitaux étrangers, mais que c’est cette profitabilité plombe la compétitivité car, répétons-le, la concurrence ne se fait pas sur le coût de revient mais sur le coût total incluant le profit.
NB :
S'ajoutant aux 65 milliards déjà obtenus, en 2007 et 2008, les entreprises auront bénéficié de près de 12 milliards de réduction de prélèvements obligatoires principalement au titre de l’impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle, les lois de finances pour 2010 et 2011 devraient amplifier le phénomène...au détriment des salariés bien sûr !
* Karl Marx 1865 au Conseil Général de l'Association Internationale des Travailleurs qui pose les bases de l'analyse marxiste du mode de production capitaliste :
-Voir aussi :
l'article "les inégalités se creusent" (mes archives avril 2010)
Toutes mes vidéos sur:
http://www.youtube.com/fricoracing