Loi travail et petite histoire du syndicalisme français

Publié le par frico-racing

Loi travail et petite histoire du syndicalisme français

Le projet de loi travail a cristallisé une colère palpable dans la jeunesse. Pas étonnant quand on voit ce que prévoit la loi : augmentation du temps de travail, diminution des salaires, facilité de licenciement… Pour la jeunesse, c’est l’assurance d’être la génération précaire, chair à patron... et elle l’a bien compris !

Hésitations syndicales ?

Du côté des directions syndicales de salariés, la mollesse de la réponse a immédiatement été largement critiquée par les équipes militantes de base. Certes, pas de surprise chez les CFDT-CFE-CGC-CFTC-UNSA refusant de se prononcer pour le retrait et préparant leurs reculs.

De son côté, la direction confédérale CGT entraînant dans son sillage FO, la FSU, et Solidaires. (communiqué de presse du 3 mars) faisait le point entre syndicats prêts au dialogue et ceux exigeant le retrait, la première initiative étant repoussée au 31 mars !

Depuis, l’appel à la mobilisation sur les réseaux sociaux (le million de signatures) le 9 mars a débouché sur la mise en place d’un cadre unitaire solide : deux réunions de 21 organisations de jeunesses se sont tenues pour préparer la contre-offensive. Le mouvement est déjà un succès et se développe rapidement sur le terrain. Du jamais vu depuis le CPE en 2006 ! Prochaine étape le 17 mars !

Alors même que la jeunesse est mobilisée en masse ce 9 mars, des universités aux lycées et des salariés en grève et dans la rue, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT explique qu’il n’y aurait pas « de mesures anti-jeunes » dans le projet de loi El Khomri. Alors que ce projet ultralibéral vise a précariser l’ensemble des salariés et bien sûr la jeunesse. (voir lien en fin d'article)...Aussi n'est il pas inutile dans cette période de se pencher sur l'histoire du syndicalisme Français...Ceci expliquant largement cela !

Petite histoire du syndicalisme français :

Le paysage syndical français est aujourd'hui caractérisé par un faible taux d'adhérents et par un émiettement qui tient aussi à son histoire, celle ci se définit à travers l’affrontement entre deux concepts fondamentalement opposés : le « syndicalisme de classe » (révolutionnaire) et « le syndicalisme de collaboration de classe » (réformiste)...Au delà des clichés et de la désinformation, il est important pour comprendre les stratégies syndicales de connaître quelques éléments sur l'histoire et la position des principales organisations syndicales. (voir aussi liens en fin d'article).

Avant la législation :

La révolution française a considérablement accentué les différenciations sociales. Au cours du 19ème siècle, chaque groupe social est en recherche d'identification. Le mouvement ouvrier s'affirme au travers des luttes sociales, et par sa participation aux grands évènements politiques (révolution de 1830, insurrection de février 1848, commune de 1871). Face à la structuration du patronat, les premières organisations ouvrières se mettent en place. Les congrès qui se succèdent vont voir apparaître différents courants dans une période marquée par des grèves et la répression.

1791 : promulgation du décret d'Allarde, qui supprime lescorporations et de la «loi Le Chapelier » le 14 juin, qui interdit le droit de coalition des métiers et les grèves. Par ailleurs, cette loi instaure un marché du travail caractérisé par un déséquilibre entre ouvriers et employeurs, ces derniers pouvant fixer les salaires et licencier sans entraves alors que les ouvriers ne disposaient que de leur force de travail. Cette loi a retardé en France la constitution d'un système de relations professionnelles et interdit de fait les syndicats.

1831-1834 : révolte des Canuts de Lyon ; échec des négociations menées par le préfet. L'insurrection sera durement réprimée.

1848 : face à la répression menée par la bourgeoisie conservatrice au pouvoir, jonction du mouvement social et républicain. Le nouveau gouvernement adopte des mesures démocratiques et sociales : proclamation de la liberté d'association, du suffrage universel et du droit du travail, ouverture desAteliers nationaux pour assurer aux chômeurs le droit au travail, décret limitant le temps de travail à 10h à Paris et à 11h en province, abolition de l'esclavage colonial.

1864 : Le 25 mai, suppression du délit de coalition et de grève (loi Olivier). Cette loi met un terme à la loi le Chapelier. Les syndicats sont toujours interdits, mais en constituer un n'est plus considéré comme un délit.

1871 : La Commune de Paris. Outrés par l'armistice avec la Prusse, les Parisiens se révoltent contre le pouvoir et élisent une assemblée qui prend le nom de Commune. Les généraux 'les Versaillais) vaincus par la Prusse se vengent sur Paris. La répression du gouvernement fait près de trente mille morts entre le 21 et le 28 mai, c'est la "semaine sanglante". Œuvre sociale de la Commune de Paris : abolition du travail de nuit dans les boulangeries, gestion démocratique des entreprises fermées par le patronat ou travaillant pour la Commune. Apparition du premier mouvement féminin de masse.

1884 : Vote de la loi légalisant les syndicats professionnels ouvriers et patronaux à l'initiative de Waldeck-Rousseau.

Les premiers syndicats apparaissent donc dans les années 1830 et se développent plus ou moins rapidement. Alors que jusque dans les années 1970, plus d'un quart des salariés français étaient syndiqués, à l'heure actuelle, le taux de syndicalisation atteint seulement 7%. C'est dans le secteur public que le syndicalisme se maintient le mieux puisque avec moins de 30% des salariés, ce secteur réuni plus de 50% des syndiqués.

La Confédération générale du travail (CGT) : La CGT est la plus ancienne confédération syndicale française puisqu 'elle a été fondée en 1895...En 1892, le congrès de Saint-Etienne créé la Fédération Nationale des Bourses du Travail. La FNS et cette dernière s’unissent en 1895 à Limoges pour former la Confédération Générale du Travail (C.G.T). Il est à noter la très grande importance sociale que représentent alors les bourses du travail : ce sont des organismes qui fournissent aux travailleurs des réponses à des question éducatives (bibliothèque, cours du soir…), sociales (coopérative alimentaire, caisse de secours et de solidarité en cas de maladie, d’accidents ou de chômage : la Sécu et l’assurance chômage n’existent pas !) Le concept théorique fondateur de la CGT depuis ses origines jusqu’en 1906 est celui de l’anarcho-syndicalisme. Celui-ci repose sur la mise en pratique du slogan de l’A.I.T. : « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Ainsi, le syndicat doit être l’outil de la réorganisation sociale dans le processus révolutionnaire. La CGT est dominée par le syndicalisme révolutionnaire (Charte d'Amiens). Il s'agit d'une conception du syndicalisme qui met en avant la lutte des classes et l’indépendance du syndicalisme par rapport aux gouvernements et partis politiques. Avec la "naissance de la CFTC" (voir ci dessous), la CGTU (voir lien annexe) naît de l'exclusion des minoritaires (révolutionnaires) de la CGT. Le "pluralisme" syndical a fait place à la division syndicale...1920/1936, dans une période marquée par la mutation de l'industrie et l'essor du Taylorisme, CGT et CGTU s'opposent sur les formes et les moyens pour transformer la société. La crise économique et sociale se développe. Le coup de force des ligues fascistes en 1934, et la tendance au "durcissement" de l'Etat entraînent l'action commune de la CGTU et de la CGT. Les directions confédérales sont obligées de discuter de la réunification qui se réalise en 1936 au congrès de Toulouse. Avec le succès du Front Populaire et les luttes, le patronat devra signer les accords de Matignon. (sur 1968 voir le lien plus bas)

Les années 1980 : Depuis les années 1980, le syndicalisme est entré dans une période de crise. (déception et c'est peu dire, de la gauche au pouvoir, chute du mur de Berlin, mondialisation etc...). Malgré cela, la CGT reste la première organisation syndicale française en termes d'effectifs et d’élections professionnelles. La CGT reste la principale organisation syndicale de lutte en France.

La Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) : Pour contrer le syndicalisme de lutte dit "révolutionnaire" (en fait la CGT), cette organisation a été crée en 1919 avec l'aide du patronat et des autorités catholiques. Le syndicalisme chrétien rejette la lutte des classes et trouve sa source d'inspiration dans les encycliques du Pape Léon XIII et la collaboration capital/travail.

Force ouvrière (FO): La CGT-FO est née d'une 2éme scission d'avec la CGT en 1948, financée par le patronat et les USA (dans sa lutte anti-communiste). Au départ, deux points importants fondent historiquement l'unité de Force ouvrière : l'anti-communisme et l'anti-cléricalisme. On comprend mieux ainsi pourquoi Force ouvrière devient dans ces conditions le partenaire privilégié de négociation avec le patronat et le gouvernement, jusqu'à ce qu'elle se fasse ravir cette place dans les années 1990 par la CFDT ("recentrée").

La Confédération française démocratique du travail (CFDT) : d’obédience "socialisante", la CFDT est née en 1964 d'une scission avec la CFTC. Elle regroupe des militants laïcs qui ne se retrouvent pas dans le syndicalisme chrétien de la CFTC. Les membres de la CFDT à cette époque se reconnaissent dans un syndicalisme de lutte.

Dans les années 1970, la CFDT porte en partie les aspirations de Mai 68 en reprenant à son actif la revendication d'un idéal autogestionnaire.

Mais dès la fin des années 1970/80 (avec sa reprise en main par le PS), les dirigeants de la CFDT proclament une stratégie dite "de recentrage" (en fait de collaboration de classes), qui conduit progressivement la CFDT à devenir 'à la place de FO), le partenaire privilégié du patronat et du gouvernement : acceptation en 1995 du Plan Juppé sur la sécurité sociale, signature de la réforme du système d'indéminisation des intermittents, signature de la reforme du système de retraite public en 2003. Ces pratiques conduiront, ultérieurement, à la création de différents syndicats SUD et Solidaires.

La Confédération générale des cadres (CGC) : La CFE/CGC est une organisation interprofessionnelle, mais corporatiste, dans la mesure où elle ne syndique qu'une catégorie de salarié, les cadres (catégorie salariale qui émerge dans l'entre deux guerre). En 1981, elle a décidé d’ouvrir son champ de syndicalisation à d’autres catégories telles que les techniciens ou les agents de maîtrise. Créée en 1944, elle agit sur des positions de collaboration de classes.

La Fédération syndicale unitaire (FSU) : La FSU, issu de l'ancienne Fédération de l’Education Nationale (qui était elle-même devenue autonome de la CGT en 1948) est un syndicat qui est principalement implanté dans une catégorie professionnelle : les enseignants. La FSU s'est aussi implantée dans des champs syndicaux considérés comme proches de l'enseignement tels que la culture.

L'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) : Attachés à une vision catégorielle, l'UNSA est une union syndicale qui regroupe, depuis 1993, des syndicats qui étaient jusque là "autonomes"...Ils s'agissaient généralement d'organisations qui, au moment de la scission entre la CGT et FO en 1947, avaient refusé de choisir.(pour l'essentiel soutenues par le patronat). Cette union syndicale regroupe des syndicats réformistes (regroupement d'une partie des anciens syndicats du Groupe des 10, qui ne se sont pas engagés dans Solidaires. Comme la CFDT, L'UNSA est considérée comme étant proche du Parti Socialiste.

L'Union syndicale Solidaires: L'ancêtre de l'Union syndicale Solidaires est le Groupe des 10 qui regroupait dix syndicats autonomes en 1981 (ci dessus). En 1989, le premier syndicat SUD est fondé: c'est SUD PTT, dont les militants sont issus de la CFDT. Il devient observateur au sein du Groupe des 10. En 1992, la fédération SUD PTT devient membre du Groupe des 10. La période qui correspond à l'arrivée de SUD PTT en tant qu'observateur et qui suit son adhésion correspond à une profonde mutation du Groupe des 10. Sous l'impulsion principalement de SUD PTT et du SNUI (Syndicat national unifié des Impôts), le G10 se radicalise, ce qui conduit au départ de plusieurs syndicats autonomes qui rejoignent l'UNSA). Mais parallèlement, après les grèves de décembre 1995, un certain nombre de syndicats SUD se créent à partir de scission de la CFDT (qui avait saboté la grève) et adhèrent au G10. C'est le cas par exemple de SUD Rail ou de SUD Culture. En 1998, le G10 devient l'Union syndicale G10 Solidaires.

Comme la CGT sur des positions de lutte, l'Union syndicale Solidaires se caractérise par une stratégie qui vise à privilégier les journées de grève reconductibles, les actions interprofessionnelles et la convergence des luttes de salariés et les luttes citoyennes pour construire une autre société.

La Confédération nationale du travail française (CNT-F): La CNT est une confédération qui se revendique du syndicalisme révolutionnaire et de l'anarcho-syndicalisme. Elle se place dans la continuité de la CGT française d’avant 1914 et de la CNT espagnole qui, à la veille de la guerre et de la révolution en Espagne en 1936.

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